En ces jours pluvieux de la Toussaint, rien de tel qu’un petit vagabondage dans les allées pavées du Père Lachaise, poumon vert de l’Est-parisien et… résultat d’une formidable opération marketing !
Partez les yeux fermés
Pour m’y rendre, je prends le métro. La ligne 2 me conduit de Nation à Père Lachaise. Déambulant dans les couloirs de la gigantesque station, les affiches publicitaires d’une start-up spécialisée dans le business du repos éternel attirent mon attention. La petite entreprise, qui ne connait pas la crise [1], offre un service de pompes funèbres à moindre coût et met le paquet sur la comm’… et l’humour ! « Vous n’en reviendrez pas » ou « Partez les yeux fermés » nous assure AdVitam, « les pompes funèbres qui vous simplifient la vie ».
Des cadavres passe-murailles
J’arrive au cimetière devant l’une des nombreuses entrées qui le bordent. Le domaine est vaste. En effet, c’est le plus grand cimetière parisien, tant par sa superficie que par le nombre de ses locataires. Il s’étend sur 43 hectares (autant que le Vatican), deux siècles d’histoire et totalise aujourd’hui 70 000 concessions funéraires. Pourtant, à ses débuts, le Père Lachaise n’avait pas la cote. Appelé aussi « cimetière de l’Est » en raison de son emplacement en dehors du Paris de l’époque, il a d’abord été créé pour répondre à une urgence sanitaire. Au centre de Paris, le cimetière des Innocents, ouvert depuis 8 siècles, avait accumulé plus de deux millions de cadavres et n’était plus en capacité d’accueillir de nouveaux arrivants. Les morts débordaient de partout. Au matin du 30 mai 1780, le restaurateur Gravelot, résidant dans la rue de la Lingerie (quartier des Champeaux, correspondant aux Halles actuelles) en fait la malheureuse expérience : en descendant les escaliers de sa cave, il se retrouve nez-à-nez avec des ossements et des crânes qui avaient traversé les parois de sa maison ! [2] Devant tant d’insalubrité, la création de nouveaux espaces pour les morts devenait urgente.
Ouvert en 1804, 2 000 concessions sont péniblement vendues les dix premières années. Les Parisiens veulent continuer à garder leurs morts à proximité. Pour les appâter, en 1817, le Préfet de Paris a alors une idée : y faire venir des célébrités. Le choix se porte sur Héloïse et Abélard [3], ainsi que Molière et La Fontaine, dont on récupère les restes dans la fosse commune (des doutes subsistent quant à leur authenticité). Moins de 15 ans plus tard, le cimetière compte 33 000 concessions. À présent, il affiche complet, en dépit des nombreuses parcelles d’agrandissement qui ont été aménagées. Les familles peuvent acquérir des concessions à perpétuité qui, si elles tombent en ruines, sont reprises par la ville de Paris au bout de 30 ans.
Les rançons de la gloire
Aujourd’hui, le cimetière du Père Lachaise est très convoité. C’est devenu un lieu propice à la promenade romantique, à la poésie et à la rêverie [4]. Les célébrités enterrées y sont très nombreuses et certaines sépultures font l’objet d’un véritable culte ou de pratiques particulières, à l’instar de la tombe de Victor Noir, à l’origine d’une tradition nécro-érotique [5]. Les tombes de Jim Morrison, Edith Piaf, Frédéric Chopin ou encore Oscar Wilde font partie des plus visitées. On peut découvrir sans fin ce cimetière et ses anecdotes, en compagnie de guides taphophiles [6].
Il est de plus en plus rare et difficile d’obtenir une place au Père Lachaise. Pour y être enterré, il faut vivre ou mourir à Paris. Et débourser une somme pouvant aller de 7500 € à 15000 € selon l’emplacement (carré historique classé par Malraux, ou partie plus récente, 1re rangée ou rangées en retrait, moins accessibles). Un bien patrimonial sûr et durable, dans lequel ma famille a d’ailleurs investi. Mes grands-parents reposent au Père Lachaise dans un caveau, qui a une vue imprenable sur les voisins. Situé à deux pas de la dernière demeure de Balzac, le caveau familial dispose de quelques places encore disponibles…
[1] Alain Baschung est aussi locataire du Père Lachaise. Sa tombe est recouverte de baisers marqués de rouge à lèvres, comme celle d’Oscar Wilde. Elle se situe à côté de son ami Jacques Higelin.
[2] Article du Parisien sur les morts qui débordent : http://www.leparisien.fr/paris-75/quand-les-morts-debordaient-du-cimetiere-de-paris-02-11-2018-7933800.php
[3] Célèbres amants du Moyen-Âge, dont l’amour fut rendu impossible. Leur histoire sous http://www.histoire-amour.com/heloise-abelard.html
[4] Très belle vidéo sur le cimetière: https://www.youtube.com/watch?v=cV8BQmY9Pco
[5] Source : https://www.pariszigzag.fr/secret/histoire-insolite-paris/legende-tombe-victor-noir
[6] Plus d’infos sur le site de l’association des Amis et Passionnés du Père Lachaise : https://www.appl-lachaise.net/
Très intéressant cet article. Bien écrit et de belles photos. Il existe des visites guidées du père Lachaise pour ceux et celles que les anecdotes historiques passionnent!
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