Des marmottes et des hommes

  • Cécile 

Pour nos premières vacances estivales ensemble, nous avons porté notre choix sur les Alpes queyrasines, que j’avais déjà eu la chance de découvrir il y a quelques années, et qui font partie, selon mes expériences, des plus belles régions montagnardes d’Europe. Pour cette première, il fallait un petit coin de paradis, un endroit où il est fait bon et « bien » vivre, il fallait le Queyras.

Le Queyras, paradis des marmottes et des sportifs

La région du Queyras est un espace partagé entre deux populations contrastées : les sportifs et les marmottes. Tandis que les premiers se dépensent, marchent, courent, escaladent, roulent… les secondes aiment à se « soleiller » sur un rocher au milieu d’une pelouse alpine et attendre ainsi la prochaine période d’hibernation.

Tandis que les premiers portent des tenues multicolores et flashies, les secondes se font discrètes avec leur pelage (beige-brun pour les adultes et gris pour les petits) qui se confond avec la nature environnante.

Tandis que les premiers tentent, durant leurs activités, de faire le moins de bruit possible, notamment parce qu’ils veulent observer les secondes, ces dernières n’hésitent pas à pousser un cri strident pour prévenir du danger, de l’ennemi, que constituent les premiers.

Tandis que les sportifs regardent leurs pieds ou leurs roues pour éviter les ornières et les gros cailloux, les marmottes ont les yeux rivés vers le ciel et guettent leur principal prédateur, l’aigle royal.

Enfin, tandis que les premiers sont friands de sucreries pour reprendre des forces, les marmottes, elles – et comme chacun sait –, mettent le chocolat dans le papier d’alu, mais ne le consomment pas, car leur régime est essentiellement herbivore.  

Cris de joie, cris d’alerte

Sportifs et marmottes sont donc radicalement opposés, mais cohabitent régulièrement entre 1000 et 2800 mètres d’altitude environ, sur une partie de l’année. [1] Cette cohabitation n’est pas sans poser problème sur le comportement des marmottes qui, du coup, passent plus de temps à surveiller qu’à creuser et à organiser leur tanière pour l’hiver, selon de très sérieuses études. [2]

Ce constat a amené deux jeunes chercheuses à interroger la perception que les sportifs ont du caractère perturbant de leurs pratiques sur le comportement des marmottes. Leurs résultats [3] démontrent que les pratiquants de sport de nature « perçoivent la marmotte comme un animal plaisant à croiser » et à observer, mais ont toutefois conscience de les déranger, d’aller sur « leur » territoire. Selon l’activité sportive pratiquée, la perception du dérangement est différente.

Nous aussi avons eu ce sentiment ambivalent. Nous étions partagés entre, d’une part, l’envie de surprendre les marmottes et de s’en approcher le plus possible et, d’autre part, le devoir de garder une distance et de respecter leur espace et leur tranquillité. À chaque fois qu’une marmotte se dressait et laissait apparaître son museau, nous avons poussé des cris de joies, auxquels ont fait parfois écho les cris d’alerte de ces petits rongeurs. Le spectacle que ces animaux sauvages nous ont offert est visible depuis les sentiers de randonnée, et il n’est pas nécessaire d’en sortir pour les admirer sans (trop) les déranger.

Une marmotte en surveillance
Deux marmottes se « soleillent »
Cairn posé sur le toit d’un terrier de marmotte
Des VVTistes aperçus sur une crête
Ne pas sortir des sentiers

[1] Source : https://www.france-montagnes.com/webzine/activites/la-marmotte-mascotte-des-montagnes

[2] Griffin S. C., Valois T., Taper M. L., Scott Mills L. (2007). « Effects of Tourists on Behavior and Demography of Olympic Marmots ». Conservation Biology, vol. 21, n°4, p. 1070-1081.
Louis S., Le Berre M. (1996). « Impact de la pression anthropique sur la marmotte alpine ». In M. Le Berre et R. Ramousse (éd.), 3Journée d’étude sur la marmotte alpine. Lyon (Villeurbanne), 20 décembre 1995. Actes du séminaire national. Villeurbanne (Laboratoire de socioécologie et conservation), p. 59-66.

[3] L’étude porte sur la région autour du col du Lautaret. Elle repose sur une enquête réalisée en 2017 et dont les résultats ont été publiés en 2018 sous la forme d’un poster sur le site de la revue en ligne Mappemonde, une revue trimestrielle sur l’image géographique et les formes du territoire, éditée avec le soutien du CNRS. Accès à la synthèse et au poster : http://mappemonde.mgm.fr/124img2/